Gestion communautaire, gestion « démocratique » ? L’administration des caisses de bienfaisance israélites de l’intérieur de la Tunisie
Les caisses de secours et de bienfaisance israélites de Tunisie étaient des organismes de gestion communautaire implantés dans la plupart des villes de la régence. Régies par le décret du 15 septembre 1888 sur les associations (modifié par le décret du 6 août 1936), elles ont été créées pour remplacer les anciennes structures communautaires ayant existé avant le protectorat.
Nous utilisons les termes « communautés de l’intérieur » ou « caisses de l’intérieur », car c’étaient les mots usuels dans la documentation et les archives de l’époque. Ce terme « l’intérieur » englobait sans distinction tout le territoire tunisien, exception faite de la ville de Tunis et de sa banlieue.
En 1925, 22 villes tunisiennes étaient dotées de ces caisses dont le rôle englobait aussi bien la gestion du culte que l’assistance aux nécessiteux de la communauté. La création de ces organismes se faisait par décret beylical ; la nomination et la révocation des membres de leurs comité de gestion par arrêté du premier ministre. Concrètement, la mise en œuvre de ces institutions n’allait pas de soi et leur fonctionnement était plus complexe qu’il n’apparaissait.
En effet, la création et la gestion des caisses de bienfaisance soulevaient, chez l’administration du protectorat, certaines considérations. Des observations concernant le poids démographique d’une communauté donnée, son poids économique, l’évolution sociale de ses membres sont évoquées avant qu’elle ne soit dotée de sa caisse. Une fois créée, le choix des membres de son comité de gestion est soumis à un processus d’approbation où le grand rabbinat et les contrôleurs civils avaient leur mot à dire. D’autres problèmes concernant la nature et la mission de ces caisses, ainsi que leur tutelle, leur poids politique et leur mode de désignation sont apparus au fil des années. Les différents services et employés de l’administration du protectorat n’avaient pas toujours les mêmes positions concernant ces questions. Mais pourquoi ces divergences de points de vue ? Quels étaient les enjeux relatifs à l’organisation de la population juive de l’intérieur de la Tunisie ? Comment l’administration du protectorat a-t-elle traité cette question ? Quels étaient les facteurs déterminants dans la mise en place de cette politique ? Les deux conflits mondiaux de 1914-18 et 1939-45 l’ont-ils influencé ? Quelle était la position des juifs de l’intérieur quant à la mutation de leurs institutions communautaires ; sachant qu’il y avait parmi eux une frange conservatrice, préférant garder un fonctionnement traditionnel, et une autre moderniste, influencée par des courant comme le sionisme, l’assimilationnisme… ?
A travers ce travail nous allons essayer de répondre à tous ces questionnements afin de comprendre l’évolution de la politique coloniale concernant la gestion de la population juive de l’intérieur de la Tunisie ; une politique qui n’était pas toujours cohérente.